D'OÙ ÇA VIENT
L'art est une chose égoïste. Ça doit sortir. Ça doit être fait, et comme une folie, si on a le malheur de l’ignorer, ça peut mener à des choix de vie malsains. Exemple niaiseux: si je dessine pas pendant quelques jours, mes doigts commencent à se crisper, et je deviens aussi irritable qu'un accro au café sans leur café du matin. C'est pas un choix de faire de l'art: même si c'était pas mon travail, ce serait toujours un passe-temps. J'ai dessiné presque tous les jours de ma vie, que ce soit sérieusement ou pour le plaisir de le faire, et je ne serais pas capable de m’en passer maintenant. Si vous me demandez si je préfère être aveugle que de perdre la capacité de tenir un crayon, je préférerais jamais pouvoir ouvrir les yeux. Si tu me coupais les deux mains, je trouverais un moyen de le faire avec les membres qui me restent.
L'ART COMME EMPLOI
Il ne suffit pas de faire de l'art et d'espérer que quelqu'un le verra un jour. C'est comme quand Pretty Woman est sorti au cinéma avec Richard Gere et Julia Roberts, et des tonnes de filles sont sorties vivre dans la rue dans l'espoir de se laisser emporter par leur prince charmant. Je vous laisse deviner ce qui est arrivé... Quoi qu'il en soit, c'est pas un travail pour rien. C'est pas facile d’atteindre l'objectif général de gagner sa vie par l’art. J'ai réussi à le faire l'année dernière avec une subvention, cette année je me bats fort fort, et l'année prochaine pourrait être géniale, ou non, qui sait?
Ce que je peux dire avec certitude, c'est que ça arrête pas de s'améliorer. Parce que j’y mets de l'effort, de l'amour et de la logique aussi. J'essaie d'avoir un horaire fixe pour être toujours présente sur le web, je vais à des événements pour rencontrer des gens qui pourraient me donner des opportunités de travail ou des gens qui ravivent ma motivation pour continuer, j'ai un espace pour faire ce qui doit être fait, et je me dépêche de finir mes contrats à temps pour que les gens aiment travailler avec moi, en veulent encore, et me recommandent à d’autres. Je fais quelque chose que personne d'autre ne fait, et j'essaie de le faire mieux que quiconque, de me démarquer, de devenir irremplaçable. Et ça demande beaucoup de temps et beaucoup d'énergie, et c'est encore plus difficile parce que je définis mes propres règles (personne ne se tient à côté pour s'assurer que t’arrêtes quand tu le devrais et j'ai donc tendance à continuer), parce que l'industrie ne comprend pas que tout est dans le processus et qu'elle a tendance à refuser de payer assez, ce qui fait qu’on finit par charger trop peu et que les contrats et les avantages sont les premiers à être supprimés du budget (ça fait un an que je dois remplacer les lentilles de mes lunettes, et je continue de le repousser par manque de financement, par exemple).
INSPIRATION
La dernière chose à garder en tête c’est que quand on est assis devant un morceau de papier vierge et qu’on est pas certain de ce qu'il faut faire, qu’on doit quand même faire quelque chose. Les artistes ont tendance à se tenir occupé de n’importe quelle façon possible jusqu'à ce que l'inspiration les frappe comme un éclair. Ceux qui travaillent en tant qu’artistes doivent faire quelque chose qu'ils se sentent prêts, assez bons ou assez inspirés… ou non. J'ai commencé ma webcomic, Zen & l’éphémère, parce que j'avais besoin de me forcer à garder un rythme, afin de produire une oeuvre finie le plus tôt possible. La promesse de mettre ça en ligne sous les yeux du public me tient responsable, et, mauvais jours ou bons jours, ces pages sont faites. Parfois je grince des dents parce que j'ai créé un monstre, d'autres fois je pousse un soupir de soulagement parce que les étoiles semblent alignées et mon travail est satisfaisant, et parfois je me surprends même parce que je sais que je n'aurais pas pu dessiner aussi bien il y a un mois. Et c'est ainsi qu’on s’améliore peu à peu, et c’est de même qu’on fait fonctionner les choses, et c'est comme ça qu’on fait de l'art une entreprise.
À suivre...
WHERE IT COMES FROM
Art is a selfish thing. It needs to come out. It needs to be made, and like a madness, if repressed, it can lead to some unhealthy life choices. Basic example: if I don’t draw for a few days, my fingers start to tense and twitch, and I get as irritable as a coffee addict without their morning coffee. It’s not a choice to make art, even if it wasn’t my job, it’d still be a hobby. I’ve drawn almost every day of my life, whether seriously or for fun, and I wouldn’t be able to pass it up now. If you asked me if I’d rather be blind than lose the ability to hold a pencil, I’d prefer to never see again. If you cut off both my hands I would find a way to do it with my remaining limbs tomorrow.
ART AS A JOB
It’s not enough to just make art and hope someone will pick it up some day. It’s similar to when that movie came out with Richard Gere and Julia Roberts, Pretty Woman, and tons of girls went out to live on the street hoping to get swept up by their prince charming. I’ll let you guess what happened. Anyway, the point is, it’s not a job for nothing. It’s a heck of a lot of work to get to the general goal of making a living out of it. I managed to do it last year with a grant, this year I’m struggling by, next year might be great, or not, who knows.
What I can say for sure is that it keeps getting better every time. Because I put in work, effort, love, and logic too. I try to have a set schedule to be ever-present on the web, I go to events to meet people that could give me work opportunities or people that refuel my motivation to keep going, I have a set space to do what needs to be done, and I rush to finish a contract on time so that people enjoy working with me and want to commission me again next time, or suggest me to their friends and friends of friends. I do something that no one else does, and I try to do it better than anyone else, to stand out, to become irreplaceable. And it requires a lot of time, and a lot of energy, and it’s even harder because I set my own rules (no one’s standing next to you to make sure you stop when you should and so I tend to just keep going), and because the industry doesn’t understand that it’s all about the process and they tend to refuse to pay you enough for it so you end up undercharging a bit to get contracts and benefits are the first thing to get cut out of the budget (I’ve had to get my lenses replaced on my glasses for a year now, and I still keep pushing it off for lack of funding, for example).
INSPIRATION
The last thing to keep in mind is when you’re sitting there in front of a blank piece of paper and you’re not sure what to do but you have to do something. Artists tend to keep themselves busy until inspiration strikes them like lightning. Those who have jobs have to do something regardless of whether they feel ready, good enough, or inspired enough. I started my webcomic, Zen & the Ephemeral, because I needed to force myself to keep a rhythm, in order to produce a finished piece as soon as possible. The public promise made me accountable, and, bad days or good days, those pages get made. Sometimes I cringe because I’ve created a monster, other times I breathe a sigh of relief because the stars seem aligned and my work is satisfactory, and sometimes I even surprise myself because I know I couldn’t have drawn that exact thing so well a month ago. And that’s how you get better, and that how you make it work, and that’s how you make art as a business.
To be continued...